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CHRONIQUE LITTERAIRE  Confidences du chauffeur du ministre : « Profession : Station d’essence »


CHRONIQUE LITTERAIRE 
Confidences  du  chauffeur du ministre : « Profession : Station  d’essence »

Ce que je raconte là, c’est le  garde du corps de notre ministre d’Etat qui me l’a raconté. Il parait que notre ministre d’Etat en charge des Questions Statistiques et Tactiques n’en revenait pas : l’autre jour, à l’aube, au moment de sa méditation priante, il a dû interrompre  le rituel. Motif : des émanations nauséabondes  persistantes dans la maisonnée. Le temps de s’excuser auprès de son Seigneur là-haut, pour  cette interruption de la prière matinale, et de jeter un coup d’œil (et   un coup  de … nez) dehors, et  voilà, en plein visage,  une nouvelle bouffée de cette puanteur mélange d’essence  et des  bas-fonds d’égout !  Juste à ce moment-là, irruption  du garde du corps, arme au poing     comme   pour   une alerte de pompier. Tout ce quartier huppé était en ébullition. Adultes et enfants s’étaient précipités en masse  sur le trottoir, double masque sur le nez. Le garde du corps m’a  rapporté  que tout ce monde avait  cru à l’invasion  d’une  Covid-Omicron.

En bon statisticien et tacticien, le nez pointé en l’air        comme un détecteur de sinistre, le ministre a su aussitôt qu’il n’en était rien de la   Covid-Omicron. Lui et son garde du corps  se sont mis à arpenter à pied  la grande avenue Songolo-Pakala. Pour découvrir  quoi ? Des stations d’essence côte à côte, et polluantes comme des artilleries de bombes biochimiques. Toujours d’après le garde du corps, le ministre   s’est   rendu      à l’évidence : non seulement l’essence propagée était polluée et frelatée, non seulement les stations étaient  trop collées-serrées, mais surtout, constatation faite plus tard, les crevasses sous terre   trouées        pour abriter   des  citernes  s’étaient détériorés au contact des  marécages mal couvertes au point de laisser couler les funesteries et les sinistreries  répandues dans le quartier.

Le ministre a alors parcouru  près de cinq kilomètres toujours  à pied. Quel spectacle :  stations sur stations sens dessus-dessous, toutes à la fois   en étroite juxtapositionon, en  interposition, en superposition. Et le garde du corps de me relater comment chacune de ces stations, rivale de la voisine, portait des noms de guerre commerciale, comme un pied de nez contre  l’autre. Du genre : « Tembe-na-Tembe » (« Défi contre défi »), « Boma-ngai-naboma-yo- tobomana » (« Tu- me- tues- je- te- tue-on se tue »), « Tiya-mutu-bakata » (« Mets ta tête à couper comme défi » ; « Voisin-Malanda-ngulu » (« Voisin–moutonnier-suiviste-arriviste »), etc.

Et alors, me précise le garde du corps, le ministre a demandé que l’on me convoque, toutes affaires cessantes. Au téléphone, le garde du corps m’a ainsi demandé, au nom de Son Excellence, de récupérer la voiture officielle en sa résidence et  de le rejoindre au carrefour des avenues Songolo-Pakala. J’y ai donc couru, sans prendre la précaution de me débarbouiller.
Arrivé au  lieu du  rendez-vous, devant une foule  immense de curieux, nous avons paradé un moment  à pied pour écouter les doléances des riverains :  puis, tous les trois, nous nous sommes  engouffrés  dans la voiture ministérielle. Avec ordre pour   pour moi le chauffeur  de   reparcourir   les  cinq avenues parallèles à la principale ; et pour le garde du corps de procéder  à des statistiques détaillées sur les positions des  stations.

Et voici finalement la comptabilité étable avec application par le garde du corps : 10 stations d’essence à chaque kilomètre de chaque avenue. Deux des dix stations : de véritables bombes polluantes et nauséabondes. Dix  stations sur dix  tapissées de banderoles publicitaires pittoresques  comme au temps de la campagne électorale…

YOKA  Lye

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