Kabila de retour en RDC : médiateur ou parrain de la rébellion ? Le retour de Joseph Kabila sur la scène nationale, annoncé depuis l’Afrique du Sud après un long silence, ne manque pas de provoquer remous et spéculations. Choisissant symboliquement l’Est de la RDC comme point d’entrée, l’ancien président réactive d’anciennes alliances, réveille de vieilles craintes et impose une question stratégique : Kabila revient-il comme médiateur ou comme parrain de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC) — le bras politique du mouvement rebelle M23 ? Dans sa déclaration, Kabila évoque une motivation patriotique : la dégradation de la situation sécuritaire et institutionnelle du pays l’aurait contraint à rentrer d’urgence. En plaçant l’Est au centre de son itinéraire, il semble vouloir s’ériger en recours ultime, là où l’État est affaibli et où la violence armée mine toute possibilité de paix durable. Ce positionnement peut apparaître comme une tentative d’endosser le rôle de médiateur, celui de l’homme de l’intérieur capable de renouer les fils d’un dialogue endogène — une expression qu’il a martelée lors de ses échanges avec Thabo Mbeki. L’ancien chef de l’État semble vouloir se réinscrire dans une tradition panafricaniste de résolution de conflits par les forces locales, loin des injonctions extérieures et des médiations internationales. Une ombre trop bien placée ? Mais cette lecture idéaliste est battue en brèche par les accusations directes venues de Kinshasa. Le président Félix Tshisekedi et son ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba, pointent Joseph Kabila comme l’architecte souterrain de l’AFC, groupe politique accusé de servir de vitrine au M23, lui-même soutenu militairement par le Rwanda. La concordance des faits jette un trouble : pourquoi choisir Goma — une ville sous tension, frontalière et à l’épicentre des avancées du M23 — pour y établir son quartier général ? Pourquoi revenir précisément à la veille d’une recomposition militaire et diplomatique autour de la région des Grands Lacs ? Le choix de Kabila de “revenir par l’Est” peut difficilement être interprété comme neutre. Il prend même l’allure d’un retour en terrain conquis. La relance d’un appareil politique en veille Ce retour coïncide également avec l’anniversaire du PPRD, le parti fondé par Kabila, qui cherche à retrouver sa place dans un échiquier politique dominé depuis cinq ans par l’Union sacrée de Félix Tshisekedi. Dans un contexte où la majorité présidentielle peine à juguler les tensions internes et à consolider son autorité, le timing du come-back semble soigneusement calibré. Le soutien discret mais significatif d’Olivier Kamitatu — proche de Moïse Katumbi — témoigne d’un frémissement du camp de l’opposition. Certains y voient déjà les prémices d’un nouveau front politique, avec le retour en cascade de figures exilées, prêtes à former un bloc alternatif en vue des prochaines batailles électorales. Kabila, en cela, ne serait plus seulement un ancien président : il redevient une clef de voûte. Médiateur, stratège ou instigateur ? En refusant de clarifier ses intentions tout en manœuvrant dans une zone sensible, Joseph Kabila entretient volontairement l’ambiguïté. Ce flou n’est pas un défaut, c’est sa méthode : avancer masqué, laisser les faits parler, et se rendre indispensable au moment opportun. Une chose est sûre : dans une RDC en proie aux doutes et aux fractures, son retour par l’Est n’est pas une simple visite. C’est une déclaration de puissance. Et peut-être, une manière de rappeler que le silence d’un léopard n’est jamais synonyme d’absence.
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