RDC : La gaffe, vertu politique ?
Les politiques ont toujours gaffé. Mais ces derniers temps, ils se surpassent. Prenez, le député national Jean-Marc Kabund, le Secrétaire général de l'UDPS, Augustin Kabuya, le bureau de l'Assemblée nationale et leurs déclarations.
Accusé d’enrichissement illicite, par Kabuya, Kabund affirme être bénéficiaire du train de vie excessif de l’Assemblée nationale, l’une des institutions budgétivores de la RDC.
« C’est une bêtise humaine que de parler des histoires comme ça. tout le monde sait que dans ce pays, un député national au bout d’un mandat, il ne peut pas manquer de se construire des maisons. N’ai-je pas dénoncé le train de vie excessif des institutions ? Mais l’Assemblée nationale est l’une de ces institutions les plus budgétivores, j’en faisais partie et je bénéficiais de ce train de vie quoi de plus normal que je puisse construire une maison où j’habite avec ma famille », avoue-t-il ce vendredi sur RFI.
Même s’il n’a guère donné de détails, Jean-Marc Kabund a révélé que les gouvernants du régime détournent plusieurs centaines de millions de dollars américains qui quitteraient à l’en croire, le pays dans des Jets privés et logés dans des paradis fiscaux.
« Je parle des détournements. Les gens doivent comprendre que ce n’est pas une maison, c’est des centaines de millions de dollars placés dans les paradis fiscaux, dans les multinationales, il y’a des espèces sonnantes qui quittent le pays dans des Jets privés, on doit comparer avec ma petite maison dans le faubourg de Kinshasa », a-t-il révélé.
Que répondre à ce types d'arguments ? Une remarque de bon sens : c'est d'autant moins convainquant si ça ne sert à rien ou, dans le meilleur des cas, à pas grand-chose.
Pourtant, c’est la vérité vraie, une vérité qu’il paraît certes difficile de vouloir masquer ou maquiller. Car, le rapport sur les états de suivi budgétaire (ESB) pour la première moitié de l’année 2022 confirme celà.
Dans sa rubrique intitulée « fonctionnement des institutions », les états de suivi budgétaire renseignent que 789,3 milliards de Francs congolais, soit plus de 394,6 millions USD ont été dépensés jusqu’à fin juin, alors que les prévisions pour les six premiers mois de l’année étaient fixées à 496,5 milliards de Francs congolais, soit 248,2 millions USD, soit 159%, entrainant ainsi un déficit de 59% pour la période indiquée.
25,85 MILLIONS USD POUR L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN JUIN
Pour le seul mois de juin 2022, les dépenses de l’Assemblée nationale ont été chiffrées à hauteur de 51,7 milliards de Francs congolais (CDF), montant équivalent à 25,85 millions USD.
Jean-Marc Kabund dessine en creux tout le problème de Félix Tshisekedi, notamment cette fameuse question du « train de vie excessif des institutions » qui lui vaut aujourd’hui tant de reproches.
Avec sa franchise, l'ex président par intérim du parti au pouvoir, fait le procès d’un mandat du Président Félix Tshisekedi qui a tout misé sur « le peuple d'abord » qui paraît à ce jour comme une parenthèse désormais fermée.
PANIQUE ET PEUR
Une gaffe peut en cacher une autre.
Voici Christophe Mboso et son bureau de l'Assemblée nationale, qui ouvre un dossier disciplinaire contre Jean-Marc Kabund.
En réaction, il estime qu’il faut considérer cette démarche comme l’expression « d’une panique ou d’une peur » qui démontre que l’Assemblée nationale est désacralisée et est, par conséquent, devenue une véritable caisse de résonance dans laquelle on assiste à des scènes de règlement des comptes.
« Je voudrais savoir aussi quel député aurait subi la même procédure que moi ou je suis le premier », a-t-il lancé en s'interrogant sur les dispositions qui donneraient le pouvoir au bureau de l’Assemblée d’ouvrir un dossier disciplinaire à l’endroit d’un député.
À Augustin Kabuya qui a annoncé que l’UDPS allait réclamer son mandat, l'ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale réplique : « La Constitution est claire, un député national élu sur une liste appartient à cette liste donc au parti, mais dès lors que le parti l’exclut, le député garde son mandat. Un député ne peut perdre son mandat que s’il a délibérément quitté le parti qui l’avait aligné aux élections mais tout le monde sait que j’ai été exclu de l’UDPS. Je suis un élu du peuple, j’ai démissionné de ma fonction de premier vice-président de l’assemblée nationale parce que j’estimais que cette fonction je l’avais acquise au nom de l’UDPS ».
Jean-Marc Kabund a Kabund et Augustin Kabuya « parlent vrai » malgré eux. Ils disent la vérité sinon sans faire exprès, du moins sans faire semblant. Devrait-on les récompenser pour une si louable honnêteté ? Leur fraîche candeur ferait-elle oublier la mauvaise haleine que dégage l’habituelle langue de bois ? Pas sûr. Une vérité aussi cynique pourrait bien se révéler plus délétère que le mensonge. Car tout de même, après avoir tout fait pour accéder au pouvoir, ils proclament ni plus ni moins que les maux qu'ils voulaient gagner les ont gagné. Au fait, à qui la faute ?
Domi
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