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RDC-Rwanda : entre fragile réconciliation et enjeux géostratégiques multiples


RDC-Rwanda : entre fragile réconciliation et enjeux géostratégiques multiples Depuis les années 1990, les relations entre la RDC et le Rwanda sont badigeonnées par des tensions récurrentes et des tentatives de rapprochement. Ces relations bilatérales s’inscrivent dans un environnement régional instable, marqué par la persistance de groupes armés, la porosité des frontières, et des différends historiques non résolus. Cette instabilité continue de compromettre toute perspective de paix durable. Le Rwanda accuse régulièrement la RDC de tolérer la présence sur son territoire des FDLR, groupe armé hostile à Kigali. En retour, Kinshasa dénonce les incursions militaires de l’armée rwandaise et accuse le Rwanda de soutenir l’AFC-M23. Dans ce climat de méfiance réciproque, un accord de désescalade a été facilité ce 27 juin 2023, par les États-Unis. Certes cet accord vise à contenir temporairement les tensions ; par ailleurs, il s’inscrit également dans une logique géopolitique, révélant d’une pensée agir visant le repositionnement de certains acteurs dans la région des Grands Lacs. Les objectifs visibles dudit accord étant la sécurité partagée, diplomatie renforcée, et lutte commune contre l’instabilité régionale. Toutefois, une analyse plus fine révèle une dimension stratégique sous-jacente. Pour le Rwanda, cet accord renforce son positionnement comme acteur incontournable dans les processus de paix régionaux. Le Rwanda cherche depuis plusieurs années à apparaître non seulement comme une puissance sécuritaire dans la région des Grands Lacs, mais aussi comme un acteur diplomatique légitime qui s'efforce de faire reconnaître son expertise en matière de stabilisation. Il attend neutraliser les FDLR, qu’il considère comme une menace vitale. Aussi, conserver une influence à l’Est congolais, zone stratégique pour sa survie sécuritaire et économiques. Toutefois, son implication dans le soutien présumé au M23 fragilise cette image de médiateur ou d’acteur neutre. Pour la RDC, cet accord représente un levier de renforcement de sa souveraineté face aux menaces dont elle est victime. À cet égard, Kinshasa cherche à montrer sa volonté de paix, tout en faisant passer la thèse de victime d’agression. Cela peut renforcer sa légitimité diplomatique, mais la souveraineté réelle dépend de sa capacité à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays, dont la partie orientale et à contenir durablement les groupes armés. Pour les États-Unis, ils s’inscrivent dans une stratégie plus large de maintien d’une présence géopolitique active, dans un contexte de rivalités croissantes avec la Chine et la Russie. La RDC ayant une valeur géophysique impressionnante sous les yeux des USA pour ses ressources stratégiques, notamment les minerais critiques indispensables aux industries technologiques et à la transition énergétique mondiale, la stabilité de sa partie orientale constitue donc un enjeu clé pour la sécurisation des chaînes d’approvisionnement. Dans cette perspective, la médiation américaine vise également à freiner l’expansion chinoise dans le secteur minier congolais et à contenir l’influence croissante de la Russie en Afrique. Face à ces dynamiques complexes, une question fondamentale se pose, une paix durable est-elle envisageable lorsque celle-ci repose en partie sur des intérêts extérieurs et des équilibres instables ? La réponse implique une approche prospective et endogène. Pour sortir du cycle des accords sans lendemain, la RDC doit renforcer son intégration régionale à travers une coopération stratégique avec la CEEAC, la SADC et l’Union africaine, en vue d’établir une architecture de sécurité collective crédible. Elle doit également consolider l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire par le biais d’institutions solides et légitimes, capables de garantir l’ordre public et de répondre efficacement aux défis sécuritaires. Par ailleurs, le développement d’une diplomatie préventive, proactive et anticipative s’avère indispensable. Il s’agit de projeter une vision claire à long terme, axée sur la stabilité, la paix et le développement durable, tout en valorisant les capacités de négociation autonome de l’État congolais. En définitive, l’accord entre la RDC et le Rwanda ne pourra produire des effets tangibles et durables s’il reste prisonnier de calculs exogènes. Il doit être intégré à une stratégie cohérente et souveraine, orientée vers la construction d’un avenir fondé sur la paix, la stabilité régionale et un développement maîtrisé. Eric BENDE MAZODILUA Analyste en relations internationales et prospectiviste

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