Prétendu déploiement des policiers rwandais : des manifestations de résistance se poursuivent
Les structures de la société civile dans l’est de la RDC restent en éveil. Elles ont maintenu le cap pour protester contre le déploiement des éléments de la police rwandaise en RDC après que les chefs des polices de deux pays aient signé un mémorandum d'entente à Kigali, en mi-décembre. Objectif, mutualiser des forces pour lutter contre les fraudes et la criminalité dans les deux frontières.
Après la ville morte appelée par la société civile de Goma qui avait dégénéré aux altercations entre les manifestants et les éléments de la Police nationale congolaise, les structures de la société civile du Sud-Kivu voisin ont elles aussi appelé à une ville morte le mardi 28 décembre 2021. Comme à Goma, le mot d’ordre a été respecté.
Ville morte respectée à Bukavu
Les écoles, commerces et stations d'essence n'ont pas ouvert mardi dans plusieurs villes du Sud-Kivu. C’est le cas de Bukavu, chef-lieu, où les étalages de quatre grands marchés sont restés vides depuis le matin alors que les véhicules étaient rares sur les grandes artères habituellement bloquées par des embouteillages. Les quelques enfants qui s'étaient rendus à l'école ont été renvoyés à la maison, a constaté le confrère.
« Les bateaux n'ont pas quitté les différents ports de Bukavu pour la ville voisine de Goma », a affirmé de son côté Prudent Mpama, secrétaire de l'association des armateurs du lac Kivu. Sur la route de l'aéroport, bloquée habituellement par des embouteillages, la circulation était très fluide, selon le correspondant de l'AFP.
Dans les cités de Kamanyola, Luvungi, Bwegera et Sange dans la plaine de la Ruzizi les écoles, les marchés et les boutiques n'ont pas ouvert. Les taxis-motos et véhicules n'ont pas assuré les liaisons habituelles entre la cité de Kamanyola et la ville d'Uvira. Contrairement à Goma, aucun cas de casse, ni blessé, ni de décès n’a été enregistré après la ville morte à Bukavu.
Le gouvernement doit comprendre le message
Par ce mot d’ordre respecté de la ville morte, peut-on conclure que la population a rejeté l’accord signé entre Kigali et Kinshasa. Les Congolais de la partie Est accusent les voisins Rwanda et Ouganda d’avoir joué un rôle dans la déstabilisation de leur pays ces 25 dernières années.
Le lundi 20 décembre, Patrick Muyaya déclarait lors d'un briefing conjoint avec le porte-parole de l'armée et de la police à la RTNC : « Il n'y a aucun élément de la police rwandaise qui est arrivé ici, tout ce qui s’est passé, procède de la manipulation et de la volonté délibérée de nuire à cet effort collectif que nous devons mettre en place pour lutter contre le terrorisme et les crimes transfrontaliers ». Il avait en premier lieu pointé de doigt la presse qui aurait répandu, d’après lui, ce fake news.
Le porte-parole du Gouvernement avait tenu ses propos après qu’une ville morte décrétée par les structures de la société civile et les mouvements citoyens, qui s’était malheureusement transformée à une manifestation de colère. Les manifestants avaient voire attaqué un poste de la police et récupéré trois armes dont ils se sont servis contre les éléments de la police déployés pour étouffer cette activité qui prenait une autre allure.
BILAN A GOMA
Quatre personnes étaient mortes dont un agent de l’ordre tué, des blessés dont six policiers blessés grièvement et plusieurs interpellations de certains meneurs de ce mouvement qui devraient normalement être déférés devant l’Auditeur militaire afin qu’ils répondent de leurs actes.
Bien avant l’intervention du ministre Patrick Muyaya, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général de brigade Sylvain Ekenge Efomi Bomusa, a lancé un défi à tout celui qui détiendrait une information contraire. Au cas contraire, prétendait-il, il s’agissait plutôt de « folle rumeur, de l’intoxication, de la manipulation de l’opinion autour de l’accord signé avec la police rwandaise ».
« Il n’y a aucune présence des policiers rwandais dans la ville de Goma, contrairement aux messages distillés dans l’opinion par des agitateurs de mauvais goût », disait-il.
Par conséquent, Muyaya a tenu à rassurer que le séjour du commissaire général de la Police nationale congolaise au Rwanda rentre dans le cadre de ses prérogatives en tant que président du comité des chefs de police des pays d'Afrique de l'Est (EAPCCO) en vue de mettre en place un cadre de lutte contre le terrorisme et criminalité transfrontalière et non pour faire venir la police rwandaise sur le sol congolais.
QUE DIT CET ACCORD ?
« Comme vous le savez, il existe Interpol qui est la police internationale, qui réunit toutes les polices et dans le cadre des mécanismes régionaux. Il existe en Afrique de l'Est, une organisation qui réunit tous les patrons de police. La réunion s'est tenue ici à Kinshasa du 11 au 15 octobre. Elle a été clôturée d'ailleurs par le Premier ministre où le drapeau de commandement a été remis au commissaire général de notre police dans le cadre de la présidence tournante de cette organisation. Après avoir pris ses fonctions, samedi, il s'est expliqué, il était de son devoir de se rendre dans les pays concernés (…). Il y a 5 pays qui sont frontaliers avec le nôtre, le Rwanda évidemment, l'Ouganda, le Burundi, la Tanzanie et le Sud Soudan. Il est parti dans cette mission d'itinérance à Nairobi, ensuite il est revenu à Kigali dans le cadre du contrôle de la criminalité transfrontalière. Il y avait un besoin de mettre en place le cadre qui permet à ce travail de se faire. Je dois rappeler ici qu’avant la période de COVID-19 la frontière RDC et Rwanda, c'est la frontière la plus fréquentée au monde après la frontière États-Unis et Mexique et donc il est tout à fait normal que les polices de deux pays puissent être en mesure de communiquer de manière régulière. II n'a jamais été question que les éléments de la police du Rwanda ou les policiers rwandais viennent assurer l'ordre public en RDC. Il n'a jamais été question pour la police, notre police, de faire venir des éléments de la police rwandaise pour venir mettre de l'ordre public chez nous », précisait-il.
Dieumerci Kalewu
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