Sécurité en RDC : l'état de siège n’a pas eu d’effet « positif visible » 5 mois après (experts)
Le rapport mensuel publié ce dimanche 31 octobre par le groupe d’experts du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST, Kivu security Tracker ) indique que l’état de siège décrété depuis le mois de mai dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri par le Chef de l'État n’a pas eu d’effet « positif visible ».
Ce rapport révèle que « les violences sont reparties à la hausse en septembre après leur baisse notable du mois d’août ».
L’ituri a été la province la plus touchée par ces violences, qui engendrent d’importants déplacements de populations suite aux multiples attaques des rebelles de l’ADF.
« Sur le territoire d’Irumu, le nombre de civils tués a atteint un record depuis avril. Le massacre de Makutano (30 civils tués le 3 septembre), perpétré par les Forces démocratiques alliées (ADF), est notamment le plus sanglant depuis ceux de Boga et Tchabi dans la nuit du 30 au 31 mai 2021. La ville de Komanda, carrefour commercial important, a pour sa part été touchée par une incursion des ADF pour la première fois », peut-on lire dans ledit rapport parvenu à Laplumeinfos.net.
En outre, le même rapport renseigne que dans le territoire de Djugu, les Forces armées de RDC (FARDC) ont amplifié leur logique de répression indiscriminée contre les milices de la Coopérative pour le développement économique au Congo (Codeco).
« Par ailleurs, un contingent de la garde républicaine est arrivé en renfort des FARDC dans cette zone », ajoute Kivu security Tracker.
Au Nord-Kivu, le Baromètre Sécuritaire du Kivu note que la relative accalmie des mois précédents, permise par une stratégie diplomatique des autorités militaires, semble s’essouffler et que le nombre de reddition est en baisse et les violences sont reparties à la hausse.
Se basant ainsi sur le bilan du 3e trimestre, le KST estime que la comparaison avec le trimestre précédent ne permet pas de conclure à une efficacité de l’état de siège, instauré le 6 mai, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
« Le nombre de civils tués y est resté remarquablement stable (546 au 3e trimestre, contre 566 au 2e), de même que le nombre d’enlèvements (280 contre 273) »
De son côté, les autorités congolaises note les prouesses enregistrées par des forces loyalistes. A travers un tableau synoptique présenté la semaine dernière lors d’un briefing organisé par le ministre de la communication et médias, le porte-parole des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), le général major Léon Richard Kasonga a indiqué qu’au cours du mois de septembre à mi-octobre, l’armée a pu neutraliser plus de 632 ennemis, plus de 119 rebelles ont été capturés, plus de 569 rendus, plus de 615 otages récupérés et plus de 210 collaborateurs arrêtés, ainsi que plus de 1.301 armes récupérées dans les deux provinces.
pas de planification et de financement pour l'état de siège
Une mauvaise planification, un manque d'objectifs et un financement insuffisant ont entravé la promesse du président Félix Tshisekedi de mettre fin à l'effusion de sang à l’Est, selon un rapport parlementaire confidentiel consulté vendredi par l’agence de presse Reuters.
Ce rapport de la Commission de défense et de sécurité de l'Assemblée nationale a révélé que depuis l'instauration de l’Etat de siège en mai, les meurtres, les viols et les vols se sont intensifiés dans les deux provinces concernées par cette militarisation de l’administration.
Sur la base d'entretiens avec cinq hauts ministres, dont ceux de la Défense et des Finances, le rapport de l’Assemblée indique que les demandes de fonds de l'armée de $596 millions pour mettre en œuvre l'état de siège - soit plus du double de son budget annuel - n’a été satisfaite que par un décaissement initial de seulement 33 millions de dollars; plus de la moitié de l'argent a été dépensé au quartier général de l'Etat-major des FARDC à Kinshasa, dont 12% en arriérés de salaires.
« La proclamation de l'état de siège n'était pas étayée par une planification d'action stratégique », indique le rapport d’enquête parlementaire.
« Cela s'est fait sans un montage financier substantiel et cohérent, sans définition d'objectifs militaires, et sans calendrier d'actions stratégiques », indique le rapport.
D'autres problèmes cités par le rapport comprenaient le manque d'équipement et de transport, des soldats fantômes, une situation préoccupante des droits de l'homme, la corruption, des barrages routiers illégaux exigeant des « taxes de l'état de siège » et un manque de collaboration avec les communautés locales.
Le rapport, qui a été soumis le 29 septembre, a également indiqué que 273 soldats ont été tués et 111 blessés depuis l’instauration de l’Etat de siège, révélant pour la première fois le bilan humain de l'armée.
Suivant Reuters, les porte-parole du gouvernement et de l'armée n'étaient pas immédiatement disponibles pour commenter ce rapport.
DOMI
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