L'annulation du sommet de Luanda: une diplomatie déficiente en anticipation ? L'annulation du Sommet de Luanda, initialement prévu pour aborder des enjeux cruciaux entre la République Démocratique du Congo et ses voisins, interroge la capacité de la diplomatie congolaise à anticiper et à gérer les dynamiques régionales et internationales. Cette réflexion vise à explorer les hypothèses susceptibles d'expliquer cet échec diplomatique tout en examinant ses implications stratégiques pour la RDC. En effet, le Sommet de Luanda, inscrit dans un contexte marqué par une crise sécuritaire persistante à l’Est de la RDC, constituait une opportunité stratégique de consolider la coopération régionale et d’apaiser les tensions, notamment avec le Rwanda. Ce forum offrait également à la RDC la possibilité de réaffirmer sa souveraineté dans la gestion des questions sécuritaires internes et de réduire sa dépendance vis-à-vis des médiateurs internationaux. Cependant, son annulation soulève des interrogations légitimes quant à l’efficacité de la diplomatie congolaise, notamment en matière de préparation, de coordination et d’anticipation. En ma qualité d’internationaliste, de surcroît prospectiviste, je formule plusieurs hypothèses pour expliquer cet échec, parmi lesquelles : les divergences régionales sous-estimées par la RDC, qui semble avoir négligé l’ampleur des divergences de positions avec ses voisins, en particulier avec le Rwanda, compromettant ainsi le consensus nécessaire à la tenue du sommet, des défaillances logistiques et diplomatiques. Les engagements pris lors des discussions préalables n’ont pas été suivis avec rigueur, ce qui a érodé la crédibilité de la RDC en tant qu’acteur diplomatique fiable, les faiblesses structurelles de la diplomatie congolaise, lesquelles se déclinent en trois principaux aspects : le manque de proactivité, car la diplomatie congolaise demeure largement réactive face aux crises régionales, limitant sa capacité à initier des solutions durables, l’absence de vision stratégique et prospective en termes de doctrine diplomatique claire articulant les priorités nationales et les engagements régionaux fragilise la posture géopolitique du pays, les institutions diplomatiques manquent de capacités en matière de veille stratégique et de prospective, entravant leur aptitude à anticiper les évolutions géopolitiques. Cela étant, voici quelques recommandations que nous formulons pour une diplomatie congolaise renforcée, en vue de pallier ces lacunes et renforcer la diplomatie congolaise : 1. Il est donc impératif d’adopter des mesures stratégiques et opérationnelles, notamment en créant un service de prospective stratégique, lequel serait chargé d’anticiper les dynamiques régionales et internationales afin d’améliorer la préparation de la RDC face aux enjeux futurs. 2. Aussi, élaborer une doctrine diplomatique cohérente qui devra articuler clairement les priorités nationales, les ambitions régionales et les engagements internationaux de la RDC. Elle pourrait être le fruit d’un forum regroupant des experts en géopolitique et en diplomatie, qui travailleraient à mettre en œuvre les recommandations issues de la 12ᵉ conférence diplomatique tenue à Kinshasa en 2022. 3. Enfin, investir dans la formation des diplomates, des services d’intelligence stratégique et des étudiants en relations internationales et science politique. Bref, le renforcement des capacités des diplomates et la professionnalisation des services de renseignement stratégique apparaissent essentiels pour garantir une diplomatie efficace et proactive. Ces propositions représentent, à mon sens, une voie incontournable pour sortir la diplomatie congolaise de ses impasses actuelles et lui permettre de jouer un rôle stratégique dans la région et sur la scène internationale. Eric BENDE MAZODILUA Chef de Travaux à l'Université Pédagogique Nationale, Doctorant en Relations Internationales, Spécialiste en Géopolitique et Prospective Politique.
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